« Entrevues » est le rendez-vous des acteurs qui combinent marques et musique.

Pour cette première interview de l’année 2019, nous sommes allés à la rencontre de Sébastien Vabre, à la tête du pôle synchro chez Believe Publishing .

 

# L’EDS – Bonjour Sébastien. Merci d’être là aujourd’hui.

Peux-tu te présenter en quelques phrases pour nos lecteurs s’il te plait ?
Car lorsque l’on regarde ton LinkedIn, on voit que tu as aussi bien bossé en label/éditeur qu’en agence (au service musique et marques).

Sébastien- Bonjour !

En effet j’ai commencé ma carrière professionnelle en 2009 chez l’Editeur Blonde Music, à la Synchro et au Publishing. À l’époque j’ai débuté par un stage, qui a ensuite débouché sur un CDD.
Après avoir passé 2 ans là-bas, je suis allé chez Discograph, toujours au même poste. Et, suite à cela, ils ont été rachetés par Harmonia MUNDI.
J’ai alors fait un petit passage à la SACEM de 6 mois. Et, je suis retourné travaillé à Harmonia Mundi pendant 2 ans.
Puis je suis allé côté agence, chez Young & Rubicam Paris en tant que music project manager.

L’idée était de voir un peu tous les aspects de mon métier : aussi bien du côté éditeur, éditeur côté SACEM, que responsable Synchro et enfin la Synchro côté agence.

 

# L’EDS – Peux-tu nous expliquer ton métier au sein des ces différentes structures ?

Sébastien- Alors côté label, tu réponds à des briefs, tu essaies de maximiser le catalogue qui est à ta disposition afin de le placer et le valoriser le plus possible.

Tandis qu’en agence il y a un aspect publicitaire qui rentre en compte. Ainsi, il faut avoir un axe plus stratégique, trouver des musiques qui répondent à des demandes marketing ou aux demandes des clients et des créatifs.

C’est bien différent du fonctionnement des labels et de la musique en général.

 

# L’EDS – Et alors, quand tu es du côté label et que tu as une sortie d’artiste est-ce que tu as des consignes comme quoi il faut placer en priorité les titres de ce nouvel EP/album ?

Sébastien- (Rires)
Alors, oui… oui et non.
Car la synchro est un univers extrêmement aléatoire.
C’est très compliqué de se dire « cet album il va sortir et je sais que je vais faire trois synchros là-dessus » ou alors d’imposer ses titres.

Après il y a ce mot que je n’aime pas beaucoup, « synch friendly » et à quoi on pourrait apparenter à de la pop un peu édulcorée, avec une évolution dans le morceau qui plait toujours aux clients pour les reveals, etc.

Mais à mon sens, tous les titres peuvent-être potentiellement synchronisables.

L’exemple type, c’est la synchro de musique Gipsy composée pour Préparation H, un médicament contre les hémorroïdes. Ou encore la pub panzani avec les gipsy kings. Récemment on a aussi vu une synchro metal sur une pub Citroën.

Par contre, il est vrai que sur certains albums, tu sens quand il y a plus de potentiel synchro que d’autres.

Quand j’ai écouté l’album de The Blaze par exemple, même si je ne pouvais pas le garantir à mes boss, j’avais tout de même le pressentiment que, sur pratiquement tous les titres, je pourrais faire une synchro.

 

# L’EDS – Quand on bosse en tant que Music Project Manager en agence, quelles sont les principales qualités à avoir ? Et en label ?

Sébastien- Alors quand on bosse côté label, faut bien connaitre son back catalogue.
Et côté agence, il faut bien connaitre les us et coutumes de la pub ainsi que le fonctionnement des agences.

Également, et non des moindres, savoir se mettre à la place du côté des clients qui, bien souvent, ne s’y connaissent pas très bien en musique. Il faut donc essayer de leur expliquer avec des mots simples et qui leur parlent, les choix de musiques, etc.

En effet lors de mon expérience en Agence, j’ai remarqué que cela pouvait être bien compliqué lorsque l’on n’a pas le même vocabulaire. J’ai d’ailleurs été confronté à des choses assez improbables.

 

# L’EDS – Par exemple ?

Sébastien- Par exemple, une fois j’ai fait écouté du Phoenix à des clients. Et là, ils m’ont répondu « on trouve ça trop techno« .

Aussi, tu peux faire écouter une instru avec des pianos, et ils pensent que c’est des trompettes…

Pour en revenir aux qualités en Agence, comme on travaille toujours à flux tendu étant donné que le sujet musique arrive souvent tard ou en fin de production et que tu travailles toujours dans l’urgence (autrement dit dans le stress et avec les dead lines), il faut savoir être patient et gérer le stress.

Pour finir, l’une des qualités fondamentales du métier c’est d’avoir une bonne culture musicale.

 

# L’EDS – À regarder le catalogue de Believe de plus près, avec M83, The Blaze, Darius, etc., on se dit qu’il y a certains catalogues moins difficile à placer, comme tu le disais si justement un peu plus tôt.

Quel est le ou les artiste(s) le(s) plus « synchronisable(s) » chez vous ?

Sébastien- Et bien tu viens de les citer.
Alors nous, on a trois grands catalogues. Trois labels on va dire.

On a Naïve, que nous avons racheté il y a deux ans avec son catalogue historique; aussi bien en pop qu’en jazz ou qu’en classique.
Nous avons les artistes All Points. Dans lesquels on retrouve Camp Claude, Anna Leone, Björk, etc.
Puis enfin ceux d’Animal 63, le label qu’on a créé avec Savoir Faire et dans lequel il y a The Blaze, Johan Papaconstantino (qui vient de sortir son nouvel EP), Darius, Myth Syzer etc.

D’ailleurs, pour en revenir avec The Blaze, et notamment du fait que leur musique soit en adéquation avec les clips et les visuels qu’ils sortent, il arrive bien souvent que la musique référence des créatifs des agences soit la leur.

 

# L’EDS – Alors, justement, lorsque tu as un brief tu vas forcément caser un The Blaze ou un M83, même si cela n’est pas la demande initiale.

Sébastien- Ah bah non.
Comme j’ai bossé en agence, je ne vais pas faire perdre le temps des gens en agence en leur envoyant des titres qui n’ont pas de rapport avec la demande initiale. Par contre, l’idée est de vraiment bien comprendre le brief et de proposer des titres cohérents.

 

# L’EDS – Certains labels organisent des séminaires pour artistes, où l’idée est de leur apprendre à composer de la musique à l’image.
De votre côté, faîtes vous ce genre d’atelier ?

Sébastien- Pour l’instant non, car nous n’avons pas à ce jour un catalogue en édition assez conséquent pour faire ce genre de chose.
Mais pourquoi pas à l’avenir si on commence à étoffer le catalogue.
C’est un super truc à faire.

 

# L’EDS – Quelle est la chose la plus folle que tu aies vu dans ton métier ?

Sébastien- Alors j’en ai une qui me vient en tête là tout de suite.
Je ne pourrai malheureusement pas citer le nom de l’artiste.

Mais en gros, j’étais en stage.
Et j’ai du aller lui faire signer en urgence un contrat de synchro afin que le deal se fasse, alors qu’elle était à la maternité et qu’elle allait accoucher.

 

# L’EDS – Vois-tu une évolution positive (ou négative) dans le secteur de la musique à l’image ?
Et si oui, laquelle ?

Sébastien- La pub est un peu le reflet de la musique, de ce qui marche.
Souvent les annonceurs veulent des titres connus et qui font vendre leurs produits.

Je vois que la musique électronique prend une place plus importante.

Puis y a aussi le retour de la chanson française dans la pub, ce qui peut-être une super chose pour tous les newcomers qui chantent en français.
Le bon exemple est la pub Intermarché.

 

# L’EDS – Et alors, la chantons française. Tu penses que c’est seulement en France ou tu penses que ça peut s’internationaliser ?

Sébastien- Les quelques titres que j’ai en chansons françaises, sont utilisés à l’étranger – par exemple sur des séries Netflix.

J’ai vraiment l’impression que la chantons française rayonne pas mal dans le monde. Notamment aux States.

Au sujet de la musique urbaine aussi il y a une évolution.
Par exemple, on voit aux States qu’elle est de plus en plus utilisée.
En France aussi d’ailleurs. On peut voir de plus en plus de musiques trap être utilisées en pub.
Je pense que cette dernière à toute sa place.

 

# L’EDS – Sur quels produits tu verrais de la musique trap toi ?

Sébastien- Toutes les marques, tous les produits où il est possible de prendre des risques.
Bien sûr tout dépend des images, du film proposés.
Le luxe, les voitures, etc.

Au contraire, tout ce qui est food, etc. c’est plus compliqué de prendre des risques.

 

# L’EDS – Quel est le projet dont tu sois le plus fier ?

Sébastien- Question compliquée…
Alors oui, je sais !
C’est assez récent. C’est chez Believe.

C’est pas un énorme truc. Mais c’est surtout le fait que j’ai réussi à placer un titre pas encore sorti, d’une artiste peu connue.
Lorsque j’ai vu le film publicitaire, j’ai tout de suite vu que le titre allait fonctionner
Je remercie d’ailleurs l’agence (TBWA) et les clients de m’avoir fait confiance sur ce coup.
Il s’agit d’une pub McDonald avec un titre d’Anna Leone.

On peut dire qu’on aide aussi les artistes en développement.

 

# L’EDS – Enfin pour terminer, si tu devais choisir 5 titres. Genre, ceux que tu pourrais écouter jusqu’à la fin de ta vie en boucle, quels seraient-ils ?

Sébastien-
Aphex Twin – Windowlicker

 
Dr Dre – XXplosive

 
Change – Heaven of my life

 
PNL – Onizuka

 
Pino D’angio – Me quale Idea

 

# L’EDS – Merci Sébastien ! Et à très vite !