Être ou ne pas être une marque. Telle est la question.
Alors oui ! On sait que certains d’entre vous vont s’arracher pas mal de cheveux en lisant cet article… On risque de perdre quelques likes sur Facebook… Mais… Allez, on se lance !
Bon nombre de professionnels de l’industrie musicale se sont longtemps évertués à crier haut et fort que « Non ! Non ! Et non ! Nous ne pouvions comparer les artistes à des marques ».
En effet, si l’on place l’artiste au même rang qu’une marque, n’enlève-t-on pas le côté authentique de son art ? Comme si son succès était la seule affaire de son talent… D’ailleurs, il y a encore quelques années de ça, lorsque la vente physique de CDs battait son plein, il était très mal vu qu’un artiste s’associe à une marque…
Mais le streaming (et Internet) ayant tout emporté sur son passage, les mœurs ; les points de vue et les comportements ont peu à peu commencé à évoluer.
PETIT CHAMPS LEXICAL MARKETING
Aujourd’hui, on ne le répétera jamais assez mais, un artiste doit trouver son positionnement de mar…. Oups ! Son positionnement artistique, pardon.
En effet, il doit savoir quels sont ses « concurrents » (même si l’on ne parle pas vraiment de concurrence dans la musique) et comment se différencier d’eux.
Et alors, comment se différencier ? Oui ! Vous l’aurez compris. D’abord par la musique (évidement, faut pas pousser quand même) et ensuite par l’image.
Comme les marques, les artistes (ou leur label) doivent (se) construire une image pertinente et accrocheuse. On parle alors de branding. Ainsi, il faut définir de quelle manière on va s’adresser à son audience, ses cibles, quelle va être son identité visuelle (logo, pas logo), sa charte graphique, son univers, etc.
Si l’on en croit la définition de Wikipédia, le branding « doit permettre au consommateur de se repérer et de choisir les produits désignés […].
Dans cette démarche, peut-être identifiées trois fonctions principales du branding :
– La fonction dite transactionnelle : les marques doivent faciliter l’acte d’achat en réduisant l’incertitude du consommateur devant un choix à prendre parmi plusieurs marques. C’est pourquoi il est important de garantir la qualité du produit, son origine…
– La fonction dite relationnelle et identitaire : le consommateur construit ses projets et ses modes de vie à travers les marques des produits qu’il achète. En ce sens, la marque devient une projection du consommateur lui-même à travers des codes, un style ou une image qu’elles transmettent.
– La fonction aspirationnelle : Il s’agit de donner un sens particulier à la consommation au-delà des produits consommés. Apprécier une marque, ce n’est pas seulement apprécier ses produits mais également ses valeurs, son univers, ses prises de positions culturelles…
CAS PRATIQUE
Prenons par exemple les Beatles.
Il est évident que la qualité de leur musique n’est en rien remise en question ! Comme pour une marque, vous ne pouvez avoir de longévité sans un bon produit.
Mais les Beatles auraient-ils eu le même succès s’ils n’avaient pas croisé la route d’Epstein ? En effet, c’est ce dernier qui a construit la « marque Beatles », qui a marqué l’histoire de la musique. C’est lui qui les a persuadé de quitter les jeans/baskets pour des costumes. La même coupe de cheveux pour tout le monde ? C’est lui aussi.
Ainsi, en uniformisant les membres du groupe, ils les différenciaient des autres groupes de l’époque.
Malin le lynx (© LeLynx.fr).
Puis, les Beatles avaient (ont) aussi leur propre logo.
Reconnaissable parmi tant d’autres.
Les Beatles avaient aussi un ton. Une manière de s’exprimer qui leur était propre.
Très bons lors des conférences de presse, ils n’hésitaient pas à être drôles, effrontés et brillants à la fois. Ils avaient leur propre manière de répondre aux interviews.
La presse au groupe : Pourquoi pensez-vous que le public vous aime autant ?
Paul McCartney : On ne sait pas vraiment !
John Lennon : Si on le savait, on formerait un groupe et serions managers !
La presse au groupe : Quelle genre de fille aimez-vous ?
John : Ma femme.
Presse : Et vous ?
George : J’aime la femme de John.
Du coup, si on reprend les 3 fonctions principales du branding :
– La fonction transactionnelle : Même si là on ne parle pas vraiment d’acte d’achat (quoi que…), la qualité du produit (leur musique), son origine (l’Angleterre) étaient bien définies.
– La fonction relationnelle et identitaire : Les Beatles renvoyaient bien au public une image construite, des codes et un style (musical ou vestimentaire) particuliers, etc.
– La fonction aspirationnelle : Si vous demandiez aux fans de l’époque pourquoi ils étaient fans des Beatles, ils vous répondrez sûrement que leur musique était géniaaaaaallleee; mais également qu’ils adhéraient aux valeurs du groupe, à leur univers, etc.
D’ailleurs, c’est bien connu ! Il y avait à cette époque la team Beatles (les garçons espiègles venus d’Angleterre, jouant un rock plutôt sage) et la team Rolling Stones (symbole d’un rock outrancier et rebelle aux nombreux excès).
ALORS, MARQUE OU PAS MARQUE ?
Même s’il est clair qu’il serait fortement réducteur de rabaisser l’artiste à une simple marque, il n’est pourtant nécessaire de prendre conscience de l’enjeu qui se cache derrière cela.
En effet, dans une société basée sur l’image et où Internet et les nouvelles technologies ont démultiplié la possibilité aux artistes de s’exposer et de créer de la musique (merci ProTools, Ableton et LogicPro), il est important de savoir se différencier, sortir du lot en somme.
De plus, les labels et autres confrères de l’industrie musicale se trouvent être de plus en plus réticents à signer de jeunes pousses s’ils n’ont pas déjà : un positionnement, une image et une communauté. Ah ! Et oui, des chansons aussi…
Cela leur demanderait du temps. Et qui dit temps, dit argent.
Money, money, money
Must be funny
In the rich man’s world
Et, comme on n’est jamais sûr que cela va marcher, mieux vaut prendre ses précautions et signer des artistes où l’investissement sera moindre.
Ainsi, en tant qu’artiste, il ne faut pas voir cela comme « vendre son âme au diable » ou « dénaturer son art ». Mais au contraire, saisir cette occasion comme étant un moyen indispensable de se poser les bonnes questions sur son projet artistique.
Il ne s’agit pas de se travestir, mais de se découvrir. Nuance.
(larmichette de bonheur)
Regardez les Daft Punk par exemple.
Si l’on pouvait comparé leur stratégie marketing à celle d’une marque, ce serait celle du luxe. Avec cette fameuse phrase : « la rareté fait la valeur« .
Jay-Z, dans l’une des ses chansons, clame haut et fort : « I’m not a businessman; l’am a business, man! ». Et en effet, on se rend vite compte que le rappeur n’a pas acquis sa fortune (estimée tout de même à plus de 500 millions de dollars) juste avec sa musique.
C’est en diversifiant ses activités (qu’il présente comme étant des « extensions de sa personnalité » qu’il a pu acquérir une si coquette somme.
Donc voilà, en conclusion on peut dire que, oui, l’artiste peut être travaillé comme une marque. Et ce n’est pas un gros mot !
À bon entendeur, salut !