« Entrevues » est le rendez-vous des acteurs qui combinent marques et musique.
Pour notre première interview de l’année et dans le cadre de notre étude sur la stratégie musicale de Citroën, nous sommes allés à la rencontre de Lionel Dray.
Avant d’être nommé Directeur Général d’HRCLS, ce dernier a été pendant de très longues années Music Supervisor en agence, et a notamment travaillé sur la marque Citroën.
# L’EDS – Bonjour Lionel, est-ce que tu peux te présenter en quelques mots ? Nous parler de ton parcours et de ce que tu fais aujourd’hui chez HRCLS.
LIONEL – Bonjour Émilie.
J’ai commencé à travailler dans la prod film chez Bandits en tant qu’Assistant Producteur en 2004. C’est comme cela que j’ai connu le monde de la publicité.
Ensuite, je suis rentré chez Euro RSCG Worldwide en tant que négociateur de droits. Puis, très rapidement, j’ai switché sur de la supervision musicale quand l’agence H s’est créée et qu’elle a intégré la cellule dans laquelle je travaillais au sein d’Euro RSGC, sur le compte Citroën International. Idem, quand l’agence s’est transformée en l’agence Les Gaulois.
Enfin, la création d’HRCLS m’a fait prendre un petit virage, où là je suis plus sur de la gestion de boite… Même si je garde toujours un œil sur la musique, sur ce qu’on produit, etc.
# L’EDS – Avant de te retrouver Directeur Général chez HRCLS, tu étais Music Supervisor chez Les Gaulois et l’agence H et tu as donc travaillé sur la marque Citroën.
Parlons de l’évolution de la stratégie musicale de la marque, tout au long de ces années.
Dans le secteur auto, qui est hyper concurrentiel, comment donne-t-on du sens à la marque à travers la musique ? Car in fine, beaucoup de constructeurs surfent sur la tendance musicale du moment.
LIONEL – Pour moi, pour vraiment faire émerger sa marque dans le secteur auto, cela va passer avant tout par la signature sonore. Avant la musique. C’est comme cela que les gens vont pouvoir distinguer les annonceurs.
Et pour Citroën, je sais qu’entre 2009 et 2014 par exemple, les gens s’attendaient à découvrir un nouvel artiste électro français sur un spot Citroën. C’était vraiment quelque chose de très attendu et de relayé sur les réseaux. Je pense que c’était une stratégie gagnante pour faire émerger la marque et lui donner du sens.
# L’EDS – D’ailleurs en 2009, Citroën a lancé sa nouvelle plateforme de marque et sa nouvelle signature « Créative Technologie ».
Est-ce que tu peux nous en dire plus sur cette signature ? Et comment avez-vous défini l’ADN musical de la marque par rapport à cette dernière ?
LIONEL – On voulait quelque chose de très « sound design » pour cette signature. On s’est entouré de pas mal de spécialistes, dont pompon finkelstein, qui avait signé le générique de Tracks sur Arte.
L’idée était d’avoir une signature très marquante mais pas vraiment musicale.
# L’EDS – Et qui a bossé sur la nouvelle signature ?
LIONEL – C’est une production HRCLS / Start-Rec.
# L’EDS – Au niveau des synchros réalisées, on constate que, au début des années 2000, la marque avait tendance à utiliser des titres plutôt mainstream :
C4 Picasso – The Dandy Warhols Bohemian Like You (2008)
C3 – The Hives Tick Tick Boom (2008)
Puis, dès 2011, la marque prend un tournant plus électro, avec des collaborations du type :
DS4 – Cassius I Love U So (2011)
DS4 Just Mat – Gesaffelstein Viol (2012)
Pourquoi avoir pris ce tournant ? Pour suivre la tendance du moment ?
C3 – The Hives Tick Tick Boom (2008)
Puis, dès 2011, la marque prend un tournant plus électro, avec des collaborations du type :
DS4 – Cassius I Love U So (2011)
DS4 Just Mat – Gesaffelstein Viol (2012)
LIONEL – Non, il y a toujours eu un attachement à la musique électronique de la part de Citroën.
Je ne sais pas si tu t’en souviens, mais l’une des pubs les plus marquantes de la marque était celle d’un robot qui dansait sur un parking. Dans les années 2003-2004.
Il y avait des rythmes très digitaux, très électroniques de «Jacques Your Body » des Rythmes Digitales.
D’ailleurs, toute une saga publicitaire a suivi, avec la déclinaison du robot dans tout un tas de circonstances (le robot qui patine, le robot qui court, etc.) et cette dernière s’est terminée sur un remix de « Staying Alive », avec le robot qui dansait dans les rues de New-York.
Après, c’est sûr qu’on a utilisé pas mal de titres mainstream aussi. Mais il faut savoir que cet annonceur a toujours été très marqué par la musique et avait l’habitude d’utiliser des titres forts dans ses pubs. Je pense par exemple à Julien Clerc, ou The Clash dans l’histoire publicitaire plus lointaine de la marque.
Par contre, il est vrai que dans les années 2000, la marque a voulu clamer son côté « french touch » et a donc utilisé des titres plus électro. Tu citais Cassius et Gesaffelstein tout à l’heure, mais je pense aussi à Bonobo (sur un film qui s’appelait « L’ampoule »), ou encore à SebastiAn.
L’idée c’était de venir appuyer la nouvelle la nouvelle signature de la marque : « Créative Technologie » avec de la musique électro d’artistes français en devenir, lorsque les images et le message s’y prêtaient bien. Mais aussi de venir coller au plus près au positionnement de la marque : une marque française innovante, axée sur la technologie et la créativité.
# L’EDS – Du coup, cette idée de collaborer avec des artistes en devenir, on peut dire que ce sont les prémices de ce qu’il se passe aujourd’hui ?
Car depuis quelques années, on voit bien que Citroën collabore de plus en plus avec de jeunes groupes en développement.
LIONEL – Alors en fait cette collaboration dont tu parles correspond plus à l’arrivée du nouveau Directeur Marketing Monde, chez Citroën. Ce dernier est très sensible au sujet de la musique et avait une idée très précise de ce qu’il voulait mettre en place pour la marque.
La stratégie a donc était de se dire : « Citroën, c’est une marque française créative et à la pointe, mettons en avant des groupes français en développement sur l’ensemble de nos campagnes, en poussant la collaboration en 360 ».
Du coup, ils tirent le fil encore plus loin. Ils vont pousser le truc en plaçant une Citroën dans le clip du groupe qui va être synchronisé sur une de leur pub; les faire jouer en live au salon auto, etc. Les interactions entre le groupe, le produit et la marque sont alors démultipliées. Pour moi, c’est une très bonne stratégie.
Alors oui, on peut dire qu’en quelque sorte l’idée de collaborer avec de jeunes groupes en développement a vu le jour dans les années 2000. Mais là, c’est tout de même un peu différent.
# L’EDS – En 2012, l’agence H et l’agence The Hours (agence spécialisée en « advertainment » et en marketing musical) créent un partenariat.
L’idée, dépasser la simple synchronisation musicale et placer au cœur de la stratégie de marque une réflexion sur le marketing musical (au travers d’op évènementielles, RP, et d’endorsement).
Peux-tu nous parler de cette collaboration ? Et, par rapport à Citroën, quels ont été les fruits de ce rapprochement ?
LIONEL – Alors pour la petite histoire, The Hours est une société qui a été rachetée par le groupe Havas. Pendant 3 ans, cette agence a vécu de manière assez indépendante avant le partenariat mis en place avec l’agence H.
L’idée était d’apporter une stratégie musicale 360 aux annonceurs. On a ainsi pu bosser avec Microsoft, Acadomia, etc.
Pour Citroën, malheureusement, cela n’a pas donné grand chose.
Il faut savoir que tout était beaucoup plus cloisonné qu’aujourd’hui : entre les gens qui s’occupent des évènements, ceux en charge de la pub, etc.
# L’EDS – Aujourd’hui Citroën travaille avec Start-Rec (agence de conseil et de création sonore) mais encore avec vous sur certains projets. Tu peux m’expliquer ?
LIONEL – Alors aujourd’hui on continue de travailler avec Citroën, mais seulement sur les opés déjà en cours. On va simplement les terminer.
# L’EDS – On en parlait tout à l’heure, mais on constate que, depuis, la marque a pris le parti de se rapprocher de jeunes groupes pas encore connu du grand public. Tu peux nous en dire plus sur cette stratégie ?
LIONEL – C’est une super stratégie. On a l’habitude de voir des choses très connues, très mainstream sur les écrans pubs et c’est vrai que là, Citroën permet de faire émerger de jeunes talents.
En plus ça profite à tout le monde : à la marque, au groupe, etc.
Je suis plutôt d’avis à encourager les annonceurs à réaliser ce genre de stratégie. Et surtout lorsque cela ne s’arrête pas juste à une synchro musicale. Il faut développer la collaboration en 360.
# L’EDS – Merci Lionel d’avoir pris le temps de répondre à nos questions !
À très vite !
LIRE L’ARTICLE « LA SAGA MUSICALE DE CITROËN – CHAPITRE I »
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