La base line « Donnons du sens » n’aura jamais été aussi vraie à l’heure du nouvel habillage signé de la chaîne parlementaire.

Nouvelle typographie, nouvelle identité graphique mais, surtout, nouvelle identité sonore. A cette occasion, nous sommes allés à la rencontre de Bertrand Delais, PDG de la chaîne, et Wax Tailor, metteur en son de cette nouvelle identité sonore.
Décryptage.

 

« Il n’y avait pas de signature qui permettait de le dire, de l’incarner et de le porter »

Bonjour Bertrand Delais, merci de répondre à nos questions, Quel a été le déclic pour lancer cette nouvelle identité visuelle et sonore de LCP ?

Bertrand: L’ambition était simple : la chaîne était une marque qui existait de manière assez forte. En arrivant, j’ai découvert, assez étonnamment, que la chaîne avait une moyenne d’âge qui était entre 12 et 16 ans de moins que la plupart des chaînes publiques comparables en termes éditoriaux à ce que fait LCP. C’est-à-dire, Arte, France 5.

Donc, nous sommes un média jeune en termes de moyenne d’âge pour la télévision même si ce média s’adresse plutôt un public plus âgé et les gens ne le savent pas. Il n’y avait pas de signature qui permettait de le dire, de l’incarner et de le porter ; ce fut pour moi le premier élément.
Par ailleurs, je pense que pour être audible, en étant la chaîne du parlement, notre but est de vendre, de plaider, de servir la démocratie parlementaire. Aujourd’hui, nous sommes arrivés à un point de telle crispation dans la société que nous apparaissons comme la chaîne institutionnelle du parlement.

Immédiatement nous sommes inaudibles parce qu’il y a une partie du pays qui va « fermer ses écoutilles » si j’ose dire, et donc ma seconde ambition était de ne pas changer l’ADN premier de cette chaîne et de sa mission mais d’un point de vue formel d’accompagner une évolution pour la « désinstitutionnaliser ».

Pour cela, j’ai fait appel à Anne Caminade (la directrice artistique visuelle NDLR)  qui avait fait un travail assez haut de gamme à l’époque où elle avait fait l’habillage de Paris Première) et Wax Tailor. Ce que  j’aimais bien chez cet artiste, c’est que j’ai toujours trouvé qu’il s’agissait plus d’un metteur en son qu’un compositeur à proprement parlé (sans aucune manière péjorative) mais au fond il travaille dans son processus de création en prenant des sons d’autres musiques, d’extraits de film, des bruits de ville,  et donc il fait une alchimie à partir de ces sons et je trouvais que c’était un beau symbole pour une chaîne qui se veut au cœur de la vie citoyenne où nous sommes en écho de tous les bruissements de la vie.

Et c’est d’ailleurs la feuille de route que je lui avais donné quand nous en avons parlé.

 

Le choix de Wax Tailor s’est fait en amont ou après cette réflexion ?

Bertrand: Non dès que je suis arrivé j’avais déjà en tête ces éléments, et j’avais à la fois le nom d’Anne Caminade pour l’habillage graphique visuel, et le nom de Wax Tailor pour l’habillage sonore. Ma seule incertitude pour les deux, car nous sommes une chaîne modeste, était de savoir si mes envies pouvaient se conjuguer à mon budget… et cela a été le cas.

 

Lorsque vous dites que vous avez cherché à desinstitutionnaliser, avez-vous également tenté de la rendre plus sociétale que politique ?

Bertrand: Oui et non. Oui, car à moment, nous avons pensé que LCP c’était La chaîne « politique » avec parfois même une communication autour de cela.
Moi je pense que la chaîne du parlement, c’est la chaîne du parlement, mais que le parlement ce n’est pas que de la « politique politicienne« . C’est de la politique au sens de l’organisation de la vie de la cité; donc de l’ouverture au débat de société et des différentes questions qui traversent le collectif de la société française.

Mais je ne voulais pas qu’on appréhende la politique comme un objet non incarné, non enraciné dans le pays, comme un jeu d’intrigue de couloirs ou la succession de jeux d’échec. C’est quelque chose pour lequel j’ai toujours tenté de m’inscrire en faux, y compris dans mon passé de journaliste politique.  Il était donc assez normal que la réorientation que je tentais d’opérer sur la chaîne se fasse au cœur du parlement et s’ouvre davantage sur la société.

 

Dans la création de Wax Tailor, nous entendons en effet des échantillons de voix issus du parlement, mais également des « bruits » de ville. Est-ce  pour incarner les décisions qui sont prises afin de ramener de l’humain dans cette chaîne ?

Bertrand: Exactement

 

« Je parie toujours sur l’intelligence des gens »

Compte tenu du fait que vous avez choisi cet artiste avec le parti-pris que vous aviez en tête,  y a-t-il eu beaucoup d’allers-retours sur cette création ?

Bertrand: Je suis quelqu’un de très respectueux des créateurs, je lui ai donné la feuille de route, et Ghislaine Chenu, la directrice des contenus, a ensuite pris le relais pour gérer les quelques ajustements logiques entre Wax Tailor et Anne Caminade qui devaient faire un pas l’un vers l’autre pour faire en sorte que leurs univers arrivent à se conjuguer. Mais, même là-dessus, je suis assez peu intervenu car je parie toujours sur l’intelligence des gens.

 

Vous qui avez déjà réalisé plusieurs documentaires, vous savez que le son et l’image au cinéma forment un mariage fort en matière émotionnelle;  y a-t-il selon vous la même force à la télévision ou il s’agit d’un impact différent ?

Bertrand: Aujourd’hui, nous sommes dans des modes de consommation de plus en plus passifs, par rapport à 20 ou 30 ans en arrière. Le téléspectateur est là mais peut pianoter sur son smartphone en même temps, ou manger.

Au fond tout cet environnement crée une forme de désacralisation de l’œuvre ou du contenu qu’il regarde. D’ailleurs je viens d’utiliser le mot contenu, et c’est intéressant de voir comment la sémantique a évolué parce que nous sommes passés du terme d’œuvres, à programmes, à contenus.

Au fond, si on regarde bien, c’est une dépréciation du vocabulaire dans l’objet que l’on regarde qui est à mettre en écho avec la désacralisation que porte le téléspectateur à ce qu’il regarde.

Pour la musique c’est pareil, j’ai en tête le travail de Brian Eno qui avait réalisé un travail autour des aéroports (music for airports); une musique que l’on entendait plus que l’on écoutait. Et pour revenir à la création de Wax Tailor, elle ne se situe pas dans la veine de Brian Eno, mais pas non plus dans l’œuvre d’un compositeur « classique ».

 

Avez-vous tenté d’être en rupture des codes de votre secteur au moment de cette création ?

Bertrand: En rupture des codes du secteur, non. Mais avec une exigence plus forte, oui.

Je pense qu’un des enjeux qui avait de l’importance pour nous, petite chaîne de compléments afin d’exister, était d’upgrader l’offre éditoriale. Par conséquent l’habillage Wax Tailor/Anne Caminade participe de cela avec des partis pris exigeants. Car je persiste à penser que c’était notre seul levier de croissance, et les faits m’ont donné raison car l’année dernière avant même ce nouvel habillage la chaîne a progressé de plus de 10% d’audience.

 

« Je fais le pari de la durée »

Dernière question, comment fait-on vivre cette nouvelle identité visuelle et sonore ? Selon vous, quand faudrait-il (ou pas) la modifier, l’adapter ou la changer ?

Bertrand: Une des raisons pour lesquelles, nous avons fait un habillage sonore sur les intertitres, les bandes annonces et quelques rares génériques d’émissions uniquement, c’est d’abord pour que l’habillage devienne et demeure une marque forte de la chaîne qui va supporter les programmes. En faisant ce service à minima, je fais le pari de la durée.

Merci Bertrand Delais pour votre participation. La parole est désormais donnée à Wax Tailor.